Julien Watrin raconte sa lutte contre le cancer, la plus dure épreuve de sa vie: "Au niveau psychologique, c’est dur"
Julien Watrin va mieux. Il a appris ce mercredi que son cancer est en rémission. Nous l’avions rencontré une semaine plus tôt, tandis qu’il s’entraînait à Louvain, toujours dans l’incertitude.
- Publié le 11-04-2024 à 06h50
- Mis à jour le 11-04-2024 à 13h43
Une fois n’est pas coutume, le soleil brille dehors, mais c’est dans le confort climatisé de la salle d’athlétisme de Louvain-la-Neuve que Julien Watrin a choisi de s’entraîner ce mercredi 3 avril. À une semaine de la remise de son cinquièmeMérite sportif provincial, un record, et d’une échéance bien plus importante: le résultat du traitement médical qu’il suit depuis qu’il a révélé son cancer des testicules lors d’une émouvante conférence de presse, le 31 janvier (et qu’il a appris un jour plus tôt que prévu, ce mercredi 10).
Julien, notre première question porte évidemment sur votre état de santé. Comment allez-vous ?
”Plutôt bien. J’ai terminé mon traitement il y a trois semaines (NdlR : l’interview a été réalisée le 3 avril) et je sens que je récupère. Je profite un peu de ce que je suis capable de faire avant le verdict. Je n’ai pas de contrôle sur l’efficacité du traitement, mais j’ai essayé de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour bien l’encaisser. Je dors mieux désormais et je vais aussi en profiter pour voir mes proches.”
Avant cela, vous avez connu des moments beaucoup plus compliqués ?
”En fait, le mental fluctue avec l’état du corps. J’ai suivi trois cycles de cinq jours pour cette chimiothérapie. Lors du second, il pleuvait, j’étais mal, je ne dormais pas la nuit. J’étais dans un état assez similaire à un burn-out. Ce qui fatigue aussi, ce sont les symptômes neuropathiques. Des fourmis dans les doigts, des palpitations dans le cou. Quand ça revient sans cesse, c’est usant. J’aime lire, cela m’aide, mais mon attention se relâchait. Quand vous ne savez plus lire, plus aller aux cours, que vous voulez aller marcher mais qu’il pleut, que vous avez mal en respirant, ce sont des moments difficiles, oui.”
Quels sont vos soutiens dans ces moments ?
”Ma compagne d’abord, qui est très à l’écoute bien qu’elle vive une année particulièrement stressante puisqu’elle est en dernière année d’assistanat (NdlR : en orthopédie) et qu’elle a un mémoire à rédiger. Le réconfort de tous mes proches aussi. Des gars comme Dylan (Borlée) qui font comme si rien n’avait changé et ça me fait du bien. L’université également. Le fait d’avoir des projets qui ne sont pas liés au sport et donc à l’incertitude qui pèse sur ma carrière, c’est important.”
Si le verdict est bon, je me préparerai pour les interclubs.
Le verdict, c’est pour bientôt. Que ferez-vous s’il est bon ?
”Je me préparerai pour les interclubs avec Dampicourt (rires). Mais je ne blague qu’à moitié en disant cela. Je suis capable d’aller vite sur du court. Un 100 m par exemple. En revanche, je devrai être prudent au niveau de la charge d’entraînement car je récupère encore difficilement. Aux niveaux pulmonaire et cardiaque, il faudra se modérer, ne pas aller trop loin dans l’endurance, cela prendra du temps. Quoi qu’il en soit, je dois d’abord attendre l’avis de mon oncologue (NdlR: qu’il a donc appris ce mercredi). Il y a très peu de chances que je retourne en chimiothérapie, mais il subsiste deux alternatives : soit tout s’est passé au mieux, soit je devrai subir une intervention chirurgicale au niveau de l’abdomen. Celle-ci nécessiterait une convalescence assez longue, avec perte de poids et indispensable reconstruction de la chaîne abdominale. On verra. Je profite de moments d’évasion, mais il y a toujours cette incertitude qui plane au quotidien. Le métabolisme spécifique des cellules cancéreuses, on ne le maîtrise pas. Est-ce que je dois me plaindre pour autant ? Pour d’autres, c’est bien pire. Moi, j’ai suivi un traitement où je pouvais quand même souffler entre chaque cycle. J’ai eu des craintes après le premier. Je me suis retrouvé une nuit aux urgences. Est-ce que ça allait se produire régulièrement ? Heureusement, cela s’est stabilisé. Même si au niveau psychologique, c’est dur. On se demande si tous les efforts consentis et les douleurs ressenties servent bien à détruire le cancer. Ou si on souffre juste de dommages collatéraux.”
Quand je n’ai pas de nausée, que je mange un peu mieux, je peux en faire davantage.
Vous n’avez quand même jamais cessé de vous entraîner. Pourquoi ?
”Quand j’étais hospitalisé, je ne savais pas faire grand-chose. Je bougeais tous les jours, mais plutôt du vélo en salle pour augmenter les pulsations, accompagner les chimios. Quand je rentrais, j’étais prudent pendant une semaine. Je ne courais pas, je me contentais de musculation, assez calmement. Marc Francaux (NdlR : professeur à la faculté des Sciences de la motricité à l’UCL) m’a encouragé à ne pas perdre trop de masse musculaire. Et la musculation préparait mon corps à des exercices plus dynamiques pour la semaine suivante. Quand je n’ai pas de nausée, que je mange un peu mieux, je peux en faire davantage et je me suis vite rendu compte, dès le milieu du premier cycle en fait, que j’étais encore capable d’aller assez vite sur des efforts courts. Désormais, j’ai deux séances de courses par semaine. Je fais du trampoline aussi, du tumbling plus précisément. Parce que j’adore ça, c’est un bon dérivatif, et ça m’aide à être plus solide sur mes appuis. C’est bien que je m’entraîne ainsi parce que j’ai aussi retrouvé le plaisir de bien manger et je commence à prendre un peu de poids (rires).”
Retrouver d’autres Tornados à l’entraînement comme ce mercredi, on imagine que c’est un plus également ?
”C’est chouette, oui. Leur contact me fait du bien. En fait, vous ne vous sentez pas malade quand la personne en face de vous ne vous considère pas comme malade. Et c’est ce qui se passe avec eux. Je comprends que les gens me parlent de ce qui m’est arrivé, mais ce n’est pas toujours simple d’être renvoyé à son statut de cancéreux. Pour en revenir aux Tornados, je suis aussi très curieux de leur préparation dans la perspective des Jeux. J’ai la chance de pouvoir m’exercer en salle, parce qu’à l’extérieur, c’est encore un peu froid pour mes poumons. La chance aussi que François Gourmet soit là, tout comme Bernard Leroy (NdlR : son entraîneur pour les haies) qui vient expressément de Liège pour moi. Pour préparer… rien du tout en fait ! Certes, on essaie de mettre en place les conditions d’une reprise, mais pour le moment, on n’envisage rien de précis. Ils viennent surtout pour me soutenir dans cette épreuve.”